LE château fort de pirou

Un édifice inscrit à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments historiques.


UN PEU D’HISTOIRE…

Des invasions vikings à nos jours

La très vieille légende des oies de Pirou, l’une des plus populaires du Cotentin, prétend rattacher l’origine de ce château fort aux invasions scandinaves.

Un chevalier de Pirou participa à la Conquête de l’Angleterre et reçu un domaine dans le Somerset où sa famille fonda Stoke-Pero. Suite aux sièges de la guerre de Cent Ans, le château fort fut restauré au XVème, XVIIème et XVIIIème siècle.

Pour y accéder, il faut franchir cinq portes fortifiées en tournant autour de la douve centrale où se trouvent la boulangerie du XVIIIème siècle, le pressoir avec son tour et sa longue étreinte, la chapelle seigneuriale Saint-Laurent, la salle des Plès et les anciennes écuries.

Cette basse-cour mène à l’intérieur de l’enceinte par un pont de pierre qui a remplacé le pont-levis au XVIIème siècle. Les remparts protègent le vieux logis du début du XVIIème siècle à l’Est et le neuf logis du début du XVIIIème siècle au Sud. Du donjon subsiste, à l’Ouest, la terrasse surélevée. L’ensemble est achevé par des toitures en schiste du Cotentin.

Découvrez ci-dessous votre visite pas à pas…

L’on peut se demander pourquoi un tel château dans un pays plat, alors que d’ordinaire les seigneurs du Moyen-Age choisissaient de préférence des escarpements naturels pour construire leurs donjons.
Si l’on a, au prix d’un tel déploiement de douves et de retranchements, fondé cette forteresse redoutable, au milieu des mielles, c’est que précisément elle était indispensable pour protéger un havre formé par un cordon littoral, qui constituait un mouillage naturel fort intéressant pour des bateaux à fond plat, comme les esnèques des Vikings.

Un premier château en bois a été construit au XIe siècle pour arrêter les vikings qui pouvaient remonter de la mer par le havre de Lessay puis emprunter un chenal jusqu’à la mare de Pirou afin d’attaquer les populations.
En 1149 le château est réédifié en pierre, ceinturé de trois douves et d’accès protégés de portes défensives munies de pont-levis.

Le château date du XIIe siècle. Il est construit sur un îlot de roche schisteuse, au milieu d’un étang artificiel que constituent les douves. Celles-ci étaient autrefois alimentées par les marais.

Bonne visite, bon voyage dans le temps !


LÉGENDE DU PLAN

1.2.3.4. Portes défensives

  1. Emplacement de la 5e porte
  2. Boulangerie
  3. Pressoir
  4. Tourelle
  5. Chapelle Saint-Laurent
  6. Salle des Plaids (exposition de la broderie de Pirou)
  7. Communs du château (charretterie)
  8. Pont
  9. Tour carrée XVe siècle
  10. Vieux logis
    14A. Ancienne forge
    14B. Cuisine
    14C. Salle des gardes
    14D. Salle à manger et accès au chemin de ronde
  11. Neuf logis
  12. Cour intérieur
  13. Chemin de ronde
  14. Tour XVIIe siècle

Autrefois il fallait franchir cinq portes défensives. Aujourd’hui, il en reste trois. Chacune d’entre elles était précédée d’une douve et munie d’un pont-levis.

  • La première porte (1) est une barbacane (porte fortifiée avancée) flanquée de deux casemates voûtées où se postaient les gardes. Elle était précédée d’une douve et munie d’un pont-levis.
  • La deuxième porte (2) était un véritable châtelet en forme de tour carrée dont l’étage a été détruit. Elle était également précédée d’une douve et munie d’un pont-levis.
  • La troisième porte (3) a maintenant disparu. Elle constituait le corps de garde et était munie d’un pont-levis. Il fallait la franchir avant de pouvoir tourner sur la gauche et accéder à la quatrième porte.

A présent entre l’emplacement de la troisième et celui de la quatrième se trouve un bâtiment dont la partie destinée à l’Accueil a été aménagée au XXe siècle, l’autre partie correspond à la bergerie construite au XVIIIe siècle.

Prenez-votre billet en respectant les règles de distanciation physique, prenez du gel hydro alcoolique et entrez dans l’accueil avec votre masque. (Ce logement est privé, il ne se visite pas – merci)

  • La quatrième porte (4) : Elle est percée d’une grande porte cochère et, sur la droite, d’un passage étroit (pertuis) pour les piétons. Au-dessus de la porte cochère on peut remarquer les armoiries de Richard Coeur de Lion avec les trois léopards. La porte, détruite dans sa partie haute, a été restaurée dans son état initial d’après une photo de 1920. Ainsi, en passant de l’autre côté, on aperçoit le chemin de ronde crénelé à l’ouest. L’accès au chemin de ronde se faisait par une tourelle carrée couverte d’une toiture pyramidale en tas de charge (toit plein), sommée d’un épi de granit.
  • La cinquième porte (5) était construite perpendiculairement au mur situé entre la boulangerie (6) et le pressoir (7). Malheureusement, le manque d’informations empêche toute tentative de reconstruction.

En progressant sous les platanes, le long du chemin qui mène au château, nous passons devant une stèle, posée en 1998, consacrée au restaurateur du site : l’Abbé Marcel Lelégard (1925-1994).

Plus loin, toujours à notre gauche se trouve donc : la boulangerie (6) (XVIIIe siècle), puis le pressoir (7) avec son tour et sa longue étreinte (XVIIIe siècle). (L’atelier attenant au pressoir ne se visite pas – merci)

Tournez-vous à présent vers la forteresse : on voit l’unique tourelle (8) qui reste aujourd’hui. Son type très particulier est rattaché à l’architecture des croisés : cette tourelle s’élève au-dessus du rempart, elle est supportée en partie par une trompe, c’est-à-dire un arc bandé dans un angle rentrant formé par la muraille. Cette trompe est percée d’un mâchicoulis circulaire (ouverture au sol), caractéristique du XIIe siècle, afin d’envoyer des projectiles aux assaillants (eau bouillante, poix chauffée, pierres, sable…). Ceux-ci rebondissaient sur le replat oblique de la muraille.

Reconstruite en 1649 par Louise du Bois, marquise de Pirou, très peu de temps avant la mort de son mari Charles, cette chapelle est la troisième du lieu. Louise du Bois en a fait modifier légèrement l’orientation vers le Sud-Est afin qu’elle soit alignée sur les autres bâtiments des communs.

La chapelle a été entièrement restaurée. La charpente en carène de bateau renversée a été lambrissée avec des douves (ou douelles) de barriques.

Mobilier de la chapelle :

  • Statue de saint Paul, terre cuite, fin XVIII- début XIXe siècle
  • Statue de la Vierge à l’Enfant, bois polychrome, fin XVIIIe siècle
  • Buste de saint Jean, bois, XIVe siècle
  • Statue de saint Jean-Baptiste, pierre calcaire polychrome, XVe siècle
  • Autel d’époque Louis XV
  • La Cène, huile sur toile d’influence italienne, fin XVIe siècle
  • Statue de saint Laurent, pierre calcaire polychrome, XVe siècle
  • Statue de saint Gerbold, pierre calcaire, fin XV – début XVIe siècle
  • Statue de saint Joseph, bois polychrome, XVIIIe siècle
  • Statue de saint Pierre, terre cuite, fin XVIII- début XIXe siècle
  • Les curieuses épitaphes de Charles (1640) et Louise (1662) du Bois.

Sur les vitraux on peut voir (en partant de la porte d’entrée) les blasons de la Luzerne, de sir Jehan Falstolf, de la Normandie (au XIIe siècle), de la famille Lelégard, des seigneurs de Pirou, de La Haye, du Bois et de Vassy. On retrouve ces blasons sur les cheminées à l’intérieur même du château ainsi que dans la salle de justice, cela permet de dresser un rapide historique des différents propriétaires du château :

Du XIe au XIIe siècle : la famille de Pirou possède le château fort. Les seigneurs de Pirou descendent de Serlon, fils aîné de Tancrède de Hauteville, (scène 11 de la broderie de Pirou).

Un chevalier de Pirou a pris part à la bataille de Hastings (1066) lors de la conquête de l’Angleterre, sa famille a d’ailleurs reçu des terres en Angleterre dans le Devon et le Somerset.

Armes de Pirou : De sinople, à bande d’argent, accompagnée de deux cotices de même.

Pendant la guerre de Cent Ans un grand nombre de propriétaires se succèdent, notamment Sir Jehan Fastolf.
Une fois la paix revenue, jusqu’à la moitié du XVIIe siècle, le château fort revient par voie d’héritage à la famille du Bois.

De la moitié du XVIIe siècle à la Révolution : la forteresse appartient à la famille de Vassy (ville de Vassy, près de Vire – Calvados).

De la Révolution à la fin du XVIIIe siècle : le château cesse d’être habité noblement. Il est acheté par de riches bourgeois de Coutances : les Quesnel-Morinière (Musée de Coutances).

Au début du XIXe siècle, le château fort devient une ferme. Les habitants donnent la priorité au côté pratique ; ils emplissent les douves de fumier et se servent de pierres pour construire des cabanes à moutons, des clôtures pour leurs champs. Sa décrépitude s’accentue et les pierres sont dispersées aux alentours : le château subit un véritable pillage.

En 1840, le château fort devient un repaire de contrebandiers important du tabac de Jersey : ceux-ci font courir de sinistres histoires de revenants et de sorcellerie afin d’intimider les curieux.

Après plusieurs ventes successives, la forteresse redevient une ferme.


En 1966, l’Abbé Marcel Lelégard achète le château avec l’aide de sa famille et entreprend sa restauration. Déjà, en 1954, l’Abbé était à l’origine d’une association pour la sauvegarde de l’abbaye Sainte-Trinité de La Lucerne (XIIe siècle – Manche).

De 1966 à 1973 des bénévoles prennent part aux premiers travaux à Pirou : nettoyage des murs recouverts de végétations. En 1968, le château est inscrit à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments historiques. En 1981, l’Abbé Lelégard crée la Fondation Abbaye de La Lucerne d’Outremer qui gère aujourd’hui les deux monuments et poursuit les travaux de sauvegarde et de restauration.

En sortant de la chapelle accédez à la salle des Plaids sur votre gauche.

« Plaids » ou « Plès » vient du mot plaidoyer : la salle de justice où le seigneur réglait les litiges et percevait les impôts. Au XVIIe siècle, cette salle devient une écurie, puis plus tard une étable.

Eclairée par six fenêtres en losanges sous plomb, entièrement restaurée, on y remarque :

  • la vaste cheminée (les blasons et la croix scandinave).
  • le plafond à poutres et solives.
  • le pavé en pierres de Lande de Lessay.

La broderie relate la légende des Oies de Pirou, puis la conquête de l’Italie du Sud et de la Sicile par les normands de Hauteville, au XIe siècle. La Broderie de Pirou est exposée de mai à septembre.

Nous devons son existence à trois personnages :

  • Le Poète Normand Louis Beuve (1869-1949) : l’idée,
  • L’Abbé Marcel Lelégard (1925-1994) : trame historique et croquis de base,
  • La brodeuse Madame Thérèse Ozenne (1939-2009) : dessins et broderie à la manière de la Tapisserie de Bayeux.

Madame Ozenne, infirmière de profession, réalisera cet ouvrage seule, pendant ses loisirs entre 1976 et 1992, soit 58 mètres de broderie à raison d’1,5 cm à l’heure…

Madame Ozenne avait auparavant étudié le point, reproduit et exposé des séquences de la Tapisserie de Bayeux, c’est au cours d’une de ces expositions que l’Abbé Lelégard l’invite à relever ce défi : broder la Telle du Conquest de l’Italie du Sud et de la Sicile.

>> Suivez le parcours de visite adapté pour découvrir la Broderie de Pirou


En sortant de la salle des Plaids, sur votre gauche la Charretterie (11) avec ses trois arches, et ses quatre lucarnes en « chapeau de gendarme ».

ACCÈS AU CHÂTEAU PAR LE PONT EN PIERRE :

Le pont (12) de deux arches en pierre qui enjambe la douve à l’endroit où elle est le moins large, remplace un pont-levis.

Vous pouvez observer au dessus de la porte, les deux rainures dans lesquelles se relevaient les flèches des balanciers du pont-levis.

Vous quittez maintenant la basse-cour et entrez dans la cour intérieure, aussi appelée haute cour, en passant sous la tour carrée du XVe siècle (13).


LA COUR INTERIEURE (16)

A l’Est (à droite en entrant dans la cour) : le « vieux logis » (14) est la partie restaurée en premier et qui est aujourd’hui visitable. Construit sous Henri IV (1553-1610), il semble remplacer une construction plus ancienne. Par endroit, le rempart auquel il est adossé mesure plus de trois mètres d’épaisseur.

Au Sud (à gauche en entrant dans la cour) : le « neuf logis » (15) fut construit en 1708 puis habité par des fermiers jusqu’en 1968. Il a été restauré extérieurement.

A l’Ouest dans la cour, l’emplacement surélevé avec les pierres entassées correspond à d’anciennes constructions formant le donjon. Le rempart, autrefois hauts de douze mètres, a probablement été abattu pour éclairer la cour intérieure.

Dans le vieux logis, il est possible de visiter cinq pièces dont l’ancienne forge (14A), la cuisine (14B), la salle des gardes (14C) et la salle à manger (14D), puis d’accéder au chemin de ronde.

>> Attention : parcours de visite modifié, suivez les indications sur le site !


LA CUISINE (14B) accès par l’ancienne forge (14A)

Dans la cour intérieure, entrez dans la cuisine par l’ancienne forge (14A). La cheminée est très profonde : environ 70 personnes réparties entre les portes défensives et les communs vivaient ici.

Sous la fenêtre au fond à gauche, il y a une augette qui servait d’évier. Elle est percée d’un trou par lequel s’écoulaient les eaux sales tombant directement dans les douves.

A droite de l’augette on peut constater l’épaisseur du mur (entre 2,5 et 3 mètres).

Face à la cheminée : le mur en pierres apparentes est percé de trous de boulins : ceux-ci servaient à y insérer des poutrelles sur lesquelles on posait des planches. Cela servait d’échafaudage lors de la construction ou de la restauration du mur.

En sortant pour accéder à la salle des gardes (14C) vous pourrez observer le puits, sur votre droite, qui alimentait en eau douce tous les habitants du château contrairement aux douves qui recevaient les eaux usées.


LA SALLE DES GARDES (14C)

La salle des gardes se situe tout de suite à droite en entrant dans la cour. Sa porte d’entrée donne sur les marches de l’escalier menant à l’étage.

Ici se postaient les gardes du pont. Les fenêtres médiévales sont face à la cheminée. Elles ont été démurées et restaurée lorsque le plafond a été ramené à son niveau primitif.

La pièce était chauffée par une immense cheminée dont le linteau monolithe a été restauré. L’apport d’une colonne a été nécessaire pour le soutenir vu l’importance de son poids. On peut apercevoir deux fours à pain.

Le sol est un damier de schistes et de terre cuite.

Le plafond dit « à chant » est constitué de demi-poutrelles obliques qui permettaient, en plus de l’esthétique, solidité et économie de bois.

Au-dessus de la cheminée, les deux pierres saillantes (corbeaux) servaient à soutenir le plafond du XVIIIe siècle qui avait été abaissé pour des raisons de chauffage. Abaisser ce plafond a également permis la création d’un étage auquel on accédait par l’escalier à vis.

Le trou au ras du sol servait à l’évacuation des eaux sales.


LA SALLE A MANGER (14D)

En sortant de la salle des gardes vous vous trouvez sur les marches qui conduisent à l’escalier intérieur permettant d’accéder à l’étage : La pièce qui s’y trouve était utilisée, au XVIIe siècle, comme salle à manger.

Cette pièce a été entièrement restaurée. Les plus belles pierres ayant disparu durant la période de pillage, les cheminées et encadrements de portes ont dû être refaits.

Les fenêtres sont munies de vitraux en losanges sous plomb.

Sur la cheminée, à nouveau les blasons sculptés, des quelques propriétaires du château fort.

>> Accédez au chemin de ronde (17) par une nouvelle salle ouverte en 2020
Attention car les voûtes sont très basses.

LE CHEMIN DE RONDE (17.13.18)

Arrivé en haut, vous pouvez apercevoir du côté des douves, cinq archères, qui ont chacune un angle de tir différent. Elles permettaient d’atteindre l’ennemi sur le chemin qui mène à la basse-cour.

Du même côté, au ras du sol, on peut constater la présence de quelques gargouilles qui servent à l’évacuation des eaux de pluie.

Le toit a été complètement refait dans les années quatre-vingt avec des pierres de schistes du Cotentin. Chaque pierre est percée dans sa partie supérieure afin d’y insérer une ou deux chevilles en chêne permettant de fixer l’ardoise à la charpente. Le mortier très épais est constitué de chaux et de sable. Le tout étant supporté par une charpente en chêne. Au sommet du toit, les tuiles faîtières en grès ornées de pitons ou de rosaces, ont un rôle décoratif.

En passant sous la tourelle (8) : le mâchicoulis circulaire que vous avez vu depuis l’emplacement de la cinquième porte.


LA TOUR CARREE (13) du XVe s.

Son accès au sommet est actuellement fermé en raison des règles de distanciation physique.

De la tour du XVe siècle, les occupants pouvaient surveiller les déplacements des bateaux de commerce à faible tirant d’eau aux alentours et voir de très loin arriver les éventuels amis ou ennemis.

En passant sous la tour carrée (13), vous emprunterez une courtine, conduisant à la tour du XVIIe siècle (18), dite des latrines, où un escalier a été récemment aménagé pour vous permettre de rejoindre la cour intérieure (16).

« L’une des hontes de ma vie dont je traînerais le remords jusqu’à mon trépas, sera d’avoir recouvert le catafalque de Louis Beuve d’un grand drap rouge à deux léopards d’or, dans la cathédrale de Coutances, le 12 août 1949, pour le service trentain que la Normandie lui célébra.

Georges Lemesle, puis Albert Desile me dirent chacun à leur tour : « Ch’est troués qu’il en faut ! »
Si je cite cet épisode, c’est pour témoigner que je suis sans préjugés. Il y a eu un temps où j’ai cru de bonne foi que les armes de Normandie ne comportaient que deux léopards, car c’était ce que je pouvais voir sur le frontispice ou la page de titre d’ouvrages relativement anciens : « Histoire générale de Normandie » par Gabriel du Moulin, à Rouen chez Jean Osmond, 1631 ; « Histoire ou chronique de Normandie », éditée par Martin Le Mégissier en 1581, à Rouen.

Je voyais ces mêmes armoiries ornant les cartouches de nombreuses cartes géographiques anciennes des XVIIe et XVIIIe s. de la « province », ou « gouvernement de Normandie ». Par ailleurs j’avais fait la connaissance du marquis Louis de Saint-Pierre, qui avait sur cette question des idées péremptoires, qu’il exposait doctoralement : Les « armes primitives de la Normandie sont à deux léopards, car les armes les plus simples sont les plus anciennes. Celles qui comportent un léopard de plus portent la marque d’une « brisure », c’est celles que nous avons attribuées à l’Angleterre, notre conquête ».

Cette belle théorie, transposant imaginairement au XIIe s. des règles qui ne se feraient jour que beaucoup plus tard ne reposaient en fait sur rien du tout. Elle était totalement erronée. Quiconque veut suivre de façon impartiale et scientifique l’histoire de ce blason doit se reporter aux documents sigillographiques irréfutables.

La plus ancienne figuration de l’écu (rouge) à léopards (d’or) apparaît sur le sceau équestre de Richard Cœur-de-Lion, duc de Normandie et Roi d’Angleterre, appendu à une charte datée du 18 mai 1198. Et les léopards y sont bel et bien au nombre de trois. Ce blason et ce sceau avaient été adoptés par Richard Cœur-de-Lion après sa captivité au retour de la Croisade, car auparavant il portait semble-t-il des lions affrontés, plus ou moins inspirés peut-être, des lionceaux qu’avait porté Geoffroy Plantagenêt son grand-père. On ignore quelles armes avaient été celles de Henri II, car l’écu, à cette époque des origines de l’héraldique, était encore purement personnel, non héréditaire. C’est au tournant du XIIe au XIIIe s. qu’on le voit devenir transmissible. A la mort de Richard Cœur-de-Lion, en 1199, son frère et successeur Jean Sans-Terre le garde sans modification, et le fils de celui-ci, Henri III le conservera tel quel en recueillant sa succession en 1216.
Toutefois, il faut bien noter que les armes sont celles du prince et non celles de la terre, duché, ou royaume. La Normandie à proprement parler n’a jamais eu d’armes. Ce sont ses ducs qui en avaient, et encore seulement à partir de la fin du XIIe s., ainsi Guillaume le Conquérant ne les a jamais connues.

Lorsque Philippe II Auguste rattache la Normandie à la couronne de France en 1204, il ne lui donne pas un nouveau duc. Ce n’est qu’en 1339 que Philippe le Valois, roi de France, désigne son fils Jean comme duc de Normandie. Quel blason va porter le prince ? tout simplement les armes de France : d’azur semé de fleurs de lys d’or, avec une bordure rouge pour « brisure » afin d’éviter la confusion avec les armes du roi son père, et lorsque ce même Jean, devenu roi, (Jean le Bon) désignera pour duc de Normandie son fils le Dauphin Charles, quel blason portera celui-ci ? Un écartelé aux 1er et 4e quartiers : de France, et aux 2e et 3e quartiers : des dauphins de Viennois ; Dans tout cela point de léopards ! Les armes sont celles du prince, issu de la Maison de France. Les Léopards n’étaient point totalement oubliés cependant en 1279, Edouard Ier qui est toujours duc de Normandie dans les îles de Jersey et Guernesey (la Normandie insulaire) concède au bailliage des îles un sceau à trois léopards, puis en 1304, chaque île devient un bailliage indépendant avec son sceau particulier, chacun à trois léopards.

Quand verra-t-on apparaître des blasons à deux léopards seulement ? Ce ne sera pas avant 1426, et c’est le roi d’Angleterre Henri VI ou plus exactement son oncle le duc de Bedford, régent du Royaume, qui, à cette date, fixe pour l’Echiquier de Normandie un écu à deux léopards surmonté d’une fleur de lys, puis en 1432 on voit apparaître pour le sceau du conseil du roi séant à Rouen un écu à deux léopards sur un semis à fleurs de lys.

C’est de 1432 à 1436 que le duc de Bedford fonde les diverses facultés qui constituent l’Université de Caen. Il leur accorde un sceau à deux léopards.

Après la Guerre de Cent Ans, lorsque le prince Charles de France, en rébellion contre son frère le roi Louis XI, à la tête de la Ligue du Bien Public, force la main du roi au traité de Romorantin (1465) et l’oblige à le reconnaître duc de Normandie, il n’adopte pas pour blason des armes dérivées de l’écu de France, mais il prend purement et simplement celles de l’Université de Caen : de Gueules à deux léopards d’or. Hélas son duché va être bien éphémère : Louis XI l’oblige à y renoncer en 1469 et le 9 novembre de cette même année il fait briser l’anneau ducal à coups de marteau sur une enclume en pleine séance de l’Echiquier.

En résumé et de façon claire et précise : la France n’a pas de blason : seules les maisons qui ont régné sur elles avaient des armoiries : les Capétiens portaient d’azur semé de fleurs de lys d’or, les Valois et les Bourbons ont porté d’azur à trois fleurs de lys d’or, Napoléon Ier et Napoléon III d’azur à l’aigle d’or empiétant un foudre.

De même la Normandie n’a pas, personnellement d’armoiries. Elle a porté les armes de ses ducs : les plus anciennes et les plus vénérables, portées dès la fin du XIIIe s. sont de gueules (c’est à dire rouges) à trois léopards d’or. le blason à deux léopards d’or est celui de l’Université de Caen, fondée par le duc de Bedford, ces armes ont été portées également par Charles de France, éphémère duc de Normandie théoriquement pendant quatre ans, mais dont le « règne » sans gloire ne dura effectivement que trois mois.

Si les Normands veulent adopter, pour la Normandie, un blason et un étendard, on comprendra qu’ils prennent ceux de Richard Cœur-de-Lion, plutôt que ceux du minable Charles de France, qui dans sa rébellion contre le roi de France son frère, avait adopté les armes proposées par l’occupant vers la fin de la Guerre de Cent Ans. C’est ce qu’avaient compris les Coutançais lors des fêtes du millénaire en 1933, pour pavoiser leur ville. »

Abbé Marcel LELÉGARD

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